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03-06-2024 0 commentaires

La lutte contre la précarité alimentaire : la grande oubliée des Européennes

Damien Lacombe

 

Les élections européennes du 9 Juin sont cruciales, car elles vont déterminer la nouvelle composition du Parlement européen, qui joue un rôle majeur dans les différentes politiques qui vont être déployées, et les budgets qui vont y être alloués. La sécurité alimentaire intérieure constitue l’objectif premier de l’Union européenne et de ses États membres, et les crises agricoles et alimentaires que nous traversons, sur fond d’inflation et de menaces sur les voies d’approvisionnement, en illustrent l’importance clé en 2024 et pour les années à venir.

 

Je constate toutefois, avec tristesse et inquiétude, la faible considération stratégique et politique de nombreux candidats aux élections européennes à l’égard de la lutte contre la précarité alimentaire et de la sécurisation de notre modèle alimentaire.

La situation est pourtant réelle et préoccupante : la précarité alimentaire, que beaucoup considéraient être cantonnée aux pays en développement et émergents, est une réalité dans tous les pays du monde, la France en tête. Pire, la situation se dégrade et de plus en plus de catégories sociales sont désormais touchées, dans les villes et dans les campagnes.

 

Il s’agit là de signaux visibles forts, qui doivent être pris par nos dirigeants, nos représentants et nos futurs représentants au Parlement européen, à la hauteur de leur gravité et de leur importance : la France a de plus en plus faim, et notre système social et alimentaire, pourtant l’un des plus développés et protecteurs qui soit, n’est désormais plus en mesure d’absorber et de gérer la précarité alimentaire grandissante.

 

L’agriculture et l’alimentation sont deux secteurs stratégiques qui ne peuvent pas être envisagés ni considérés l’un sans l’autre. J’observe, année après année, le recul de l’Europe et de la France sur ces sujets, avec des budgets en baisse et des modalités de soutien de moins en moins adaptées et sécurisantes, mais surtout, une vision de mois en moins stratégique et fondatrice, essentiellement tournée vers le court terme, les budgets et la réglementation.

 

L’Europe s’est créée sur une vision fondatrice, elle s’est construite sur l’Agriculture et la PAC en a été le ciment. Une réussite éclatante après-guerre qui a vu notre vieux continent se relever et devenir, en l’espace de quelques années, une superpuissance agricole capable de satisfaire les besoins alimentaires et nutritionnels intérieurs. La PAC a peu à peu délaissé ses orientations stratégiques initiales, épousant l’idée d’une fin de l’Histoire et de la croyance que l’utilisation de l’arme alimentaire comme vecteur de puissance et de sécurité intérieure appartenait au passé.

 

Pourtant, le contexte international ne s’est pas assagi, bien au contraire, et les grandes puissances de la planète ne cessent de réaffirmer leur volonté stratégique de renforcer leur agriculture, de sécuriser leur alimentation et leurs approvisionnements, compte tenu de l’importance majeure que revêt l’alimentation pour ces États, et pour tous les États du monde.

 

La PAC est devenue pour beaucoup, un sujet de discorde focalisant les oppositions au regard de son budget – seul budget européen intégré il faut le rappeler – et de l’effet levier qu’il permettrait d’offrir en le revoyant à la baisse pour des États en quête de souplesse et de disponibilité budgétaires.

 

Je suis convaincu que l’alimentation doit être le ciment de l’Europe de demain. Il est légitime que les États membres aient des visions différentes sur les modalités de concevoir notre modèle agricole, qui ne peut et ne doit pas être unique. Tous les États membres ont, en revanche, une vision commune sur l’importance et la nécessité de sécuriser notre alimentation, tant quantitativement que qualitativement, et de lutter contre la précarité alimentaire qui s’accroît de manière exponentielle, avec des conséquences sociales et économiques majeures, aussi bien sur le court terme que sur le long terme.

 

C’est la raison pour laquelle nous devons regarder avec un œil nouveau la manière dont les Pères fondateurs de l’Europe ont fédéré les États autour d’une vision commune, profondément stratégique et politique. L’Europe est aujourd’hui fragilisée depuis de nombreuses années par cette absence de cap stratégique fondateur qui transcende les divergences nationales et qui galvanise les États dans l’objectif de construire ensemble, une Europe unie et forte. Il est temps de redonner un cap stratégique à l’Europe, de valoriser son importance et sa légitimité auprès des États membres, en positionnant l’alimentation et la lutte contre la précarité alimentaire au cœur de sa politique.

 

Les retombées seraient en effet multiples : 

 

Au niveau politique, en proposant un nouvel axe de coopération et de développement sur un thème stratégique et durable, un bien public européen, qui justifie le rôle de coordinateur et d’intégrateur de l’Europe.

 

Au niveau social, en déployant des solutions concrètes à un problème grandissant et structurel.

 

Au niveau environnemental, en participant à réduire les émissions carbone en relocalisant notre agriculture et en limitant les distances parcourues.

 

Au niveau économique, en structurant une nouvelle approche de financement et de soutien pour sécuriser et accroître les budgets des ménages alloués à l’alimentation, tout en limitant l’effort de la puissance publique.

 

J’appelle de mes vœux à la création d’une Politique Agricole et Alimentaire Commune, qui soit le fer de lance politique, économique et social de cette nouvelle Europe, plus que jamais nécessaire et stratégique. Nous devons ouvrir ce débat en France et au sein du Parlement européen pour sécuriser les budgets alimentaires des ménages. 

C’est la vision que nous partageons au sein du Collectif Amalté, et sur laquelle nous travaillons pour construire et proposer, avec toutes les parties prenantes qui nous soutiennent, une politique d’aide alimentaire interne en France et en Europe, avec des moyens d’actions efficaces et finançables. Nos premières propositions et orientations seront dévoilées dans les prochaines semaines à l’occasion d’une conférence de presse durant laquelle nous présenterons nos mesures concrètes pour renforcer la lutte contre la précarité alimentaire.